LA LIBERTE D'ETRE (3)
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Aussi
merveilleux que soient ces enseignements spirituels, les moyens
concrets pour les réaliser restent souvent vagues et trop
généraux. Ils peuvent alors être facilement
récupérés pour créer une espèce de
somnifère spirituel. On rêve d’un monde d’amour et
de lumière, on en parle, on philosophe, mais la vie de tous
les jours continue avec son cortège de frustrations, de
souffrances, de maladies et de violence. On est enthousiasmé
par les belles paroles, mais on continue à critiquer le
voisin, à détester notre belle-mère, à
blâmer notre conjoint, à abuser de notre pouvoir sur nos
enfants ou nos employés, à vivre dans le stress, le
manque d’énergie, à nous sentir victimes d’un monde
injuste, etc., et à être finalement frustré et
pas vraiment heureux, si on veut bien se dire la vérité
à soi-même.
Ou alors, on fait des efforts de volonté désespérés pour se débarrasser de ces comportements négatifs. On arrive ainsi à passer quelques jours ou quelques semaines dans la paix, surtout si on est hors de notre quotidien. Et puis d’un coup, toute cette négativité nous saute à nouveau à la figure au moment où on s’y attend le moins. Car ces beaux enseignements, non intégrés, peuvent souvent amener à nier une partie importante de soi-même, celle qui ne correspond pas aux idéaux proposés. Ebloui et enthousiasmé par les merveilleuses possibilités de l’être humain, touché par la pertinence de ce qui est présenté qui entre en résonance avec le désir profond de notre âme, on veut pouvoir atteindre cela sur le champ. On oublie alors qu’arriver à maîtriser l’ego demande beaucoup de travail, de temps, de connaissance et de pratique. C’est comme si, en sortant d’un concert où l’on a été profondément touché par le talent et la sensibilité du pianiste, on décide de jouer du piano. C’est très bien; mais il faut savoir que de longues heures de pratique, souvent arides, seront nécessaires pour arriver à la maîtrise de l’instrument.
Lorsqu’il
s’agit de l’apprentissage d’un instrument de musique, on peut
difficilement s’illusionner : les fausses notes et le manque de
maîtrise sont évidents. Il est plus facile de se leurrer
en ce qui concerne l’apprentissage de la maîtrise de soi, de
se croire rempli de lumière alors que l’ombre n’a pas été
travaillée. On suit des stages ou des disciplines, on lit des
livres, on accumule beaucoup de connaissances philosophiques, on a,
par moments, de belles expériences intérieures.
Pourtant les fausses notes sont évidentes : ce sont tous nos
échecs dans nos relations, notre incapacité de vivre en
paix, nos fatigues physiques et morales, nos frustrations
quotidiennes, nos insatisfactions, nos déprimes, notre
incapacité à aimer et se sentir aimé, etc. Il
est alors facile de tomber dans une attitude de victime (c’est la
faute des autres ou des circonstances extérieures si on
n’arrive pas à être heureux), ou bien de se décourager
en pensant que les disciplines ou les enseignements sont inutiles et
qu’il est impossible d’atteindre le plein épanouissement
dans ce monde. Pourtant, la vie peut être très belle, et
les enseignements peuvent être réellement vécus,
à condition de connaître et maîtriser notre
instrument, c’est-à-dire nos propres dynamiques intérieures.
Si
on veut être réaliste, il importe de reconnaître
qu’un vrai changement de conscience, qui entraîne
naturellement une qualité de vie supérieure, exige un
travail intérieur précis et rigoureux. Car si c’était
facile, cela ferait longtemps que tout le monde serait heureux.
Afin d’y voir plus clair, il est nécessaire d’être très vigilant, d’oser se dire la vérité à soi-même, d’être attentif aux mécanismes de sa propre conscience afin d’apprendre à les connaître et d’accepter de faire un pas après l’autre. Mais cela n’est pas nouveau. En haut de la porte du temple de Delphes n’était-il pas écrit : «Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’Univers et les Dieux»... (Socrate)
Sur le chemin spirituel, il règne beaucoup de confusion relativement aux méthodes à utiliser. Certains ne jurent que par la méditation, d’autres par l’enseignement de tel ou tel maître, d’autres par des techniques orientales, d’autres par des techniques modernes occidentales, certains par des techniques corporelles, ou émotionnelles ou strictement mentales, d’autres par une ascèse uniquement «spirituelle».
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