DU MARCHE DE LA PEUR A... (3)
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Le
cas d’espèce des seniors : des peurs existentielles
Qu’en
est il pour les seniors ? Les peurs de cet âge sont multiples.
Parmi celles-ci, l’angoisse de la perte d’autonomie et de la
dépendance. Des professionnels toujours plus nombreux -
architectes, architectes d’intérieur, designers- proposent
des systèmes très perfectionnés de sécurisation
de l’habitat, à domicile et en résidences. Les
services à la personne deviennent le premier secteur de
l’économie, avec « une croissance à la chinoise
». Mais si ces professionnels apportent plus de sécurité
et de confort, ils ne règlent pas le problème de la
peur et ce n’est pas leur rôle.
La transition de la retraite est souvent vécue dans la confusion et la perte de repères, le sentiment de n’être rien, de ne plus exister, prenant origine dans la perte de statut social et l’image encore largement dévalorisante et discriminante de l’âge dans notre société.
Mais
la principale carence vient de l’absence de préparation de
ce temps de la vie, hors une approche matérielle -financière,
fiscale, juridique- sociale et sanitaire. Rien sur le sens et les
contenus à donner aux 20/30 années de vie active de la
retraite, et pas de reconnaissance ni de valorisation de leur
formidable capital d’expérience. Quand vient le temps de la
retraite, les questions refoulées réapparaissent,
celles du sens.
Si
les peurs évoquées ci-dessus sont extérieures,
la retraite est propice à l’apparition de peurs
existentielles, insidieuses, obsédantes. Peurs liées à
l’image, à la relation, à l’adaptation, peur de
vieillir, de la maladie, de mourir…Peurs d’être, de vivre,
de se rencontrer.
Une panoplie sophistiquée de mesures est déployée pour les peurs extérieures. Les peurs existentielles sont des archaïsmes puissants et comme tels se comportent en véritables envahisseurs.
Logiques
d’escalade et culture sécuritaire
Quelles sont les conséquences et impacts de la peur ? Une fois la peur intériorisée, elle travaille… comme l’argent ! Son puissant magnétisme attire précisément ce que l’on redoute. Se focaliser sur la peur, c’est courir le risque de la renforcer.
Par contre, comprendre ses mécanismes et ses impacts psychologiques et comportementaux aide à la maîtriser, pour développer de nouveaux apprentissages.
Quels
processus sont habituellement mis en place avec la peur ? Selon notre
mode polarisé humain, les deux réactions habituelles
sont la fuite et l’agression, la manipulation étant une voie
intermédiaire conduite par le besoin de pouvoir.
Dans
la fuite, les êtres s’en remettent aux instances extérieures,
oubliant que la première instance est soi. Il en résulte
déresponsabilisation et perte d’autonomie. La peur place en
position de victime, d’impuissance, d’autolimitation et
entretient les comportements et demande d’assistance. Voilà
pourquoi la consommation, mode passif, est le refuge des peureux qui
ne veulent surtout rien changer !
Le
sentiment d’impuissance, de frilosité, l’absence
d’initiatives, aggravé par un repli individualiste, sont
caractéristiques de nos sociétés de peur.
Pourquoi ? La peur nourrissant la peur conduit à imaginer le
pire dans des scénarios d’anticipation irréalistes,
empêchant de s’atteler son véritable devenir.
Dans le mode de l’agression en hausse constante, l’autre, l’inconnu, l’expérience nouvelle sont vécus comme une menace potentielle, avec un apriori de méfiance préjudiciable au lien social. L’arme de la peur n’est elle pas de diviser pour régner ? Cette méfiance génère inévitablement de la violence, qui conduit, dans une logique d’escalade, à la répression et à la sur-sécurisation. C’est ainsi qu’une culture sécuritaire se met en place.
Or, ces précautions grandissantes entretiennent et nourrissent constamment le sentiment d’insécurité, de menace, avec la caisse de résonance des media largement participative ! Alors, quelle solution ?
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