LE STRESS (3)
Le temps nous apparaît ainsi comme un fleuve qui s’écoule indépendamment de nous. Son mouvement est inexorable, car on ne peut l’arrêter : il est aussi irréversible, puisqu’on ne peut faire revenir à soi les temps écoulés.
A toutes les époques,
l’être humain a observé et chanté la marche
inexorable du temps. Dans la Bible, Job se plaint de la rapidité
avec laquelle les jours fuient sans jamais soulager ses tourments :
« Mes jours sont
plus rapides qu’un courrier ;
Il fuient sans avoir
vu le bonheur ;
Ils passent comme les
navires de jonc,
Comme l’aigle qui
fond sur la proie » (Job, chap.9 verset 25-26)
Le flot du temps
avance dans une direction unique : venant du futur, il amène
les événements dans le présent, pour disparaître
ensuite dans le passé. Et comme ce processus se répète
indéfiniment et que les événements apportés
par le temps ne peuvent demeurer dans le présent, nous disons
que le temps passe.
Le temps passe-t-il
vraiment ?
Si nous réfléchissons
à la notion du temps qui passe, nous arrivons vite à
des contradictions et des non-sens qui nous montrent qu’en réalité,
le temps - le temps réel, pas la marche des aiguilles d’une
montre - ne peut absolument pas ... passer.
Par exemple, si le
temps passait réellement, comme le ferait un fleuve invisible,
il en résulterait que la vitesse d’écoulement du
temps serait la même pour tous. Chacun le ressentirait - et
même devrait le ressentir - de manière identique, car en
tant que réalité extérieure, elle s’imposerait
de manière contraignante et uniforme à chacun, comme
c’est le cas dans d’autres domaines : avec la pesanteur, les
distances, etc. Or, notre expérience quotidienne nous montre
que le temps est ressenti de manière très variée.
Celui-ci s’écoule plus ou moins vite selon les personnes et
selon les circonstances.
Il s’écoule
rapidement pour quelqu’un qui est passionné par ce qu’il
fait, comme l’artiste ou le savant plongé dans ses travaux,
et qui, appelé pour le repas, découvre avec
stupéfaction que la matinée est déjà
écoulée.
A l’opposé,
le temps passe très lentement pour quelqu’un qui n’arrive
pas à trouver un intérêt dans ce qu’il fait.
Une personne qui accomplit par obligation un travail qui ne lui plaît
pas et dans lequel elle ne peut mettre son cœur, ressentira
cruellement le passage du temps comme beaucoup trop lent. A la fin de
la journée, elle ne s’écrira pas avec regrets «
quoi, c’est déjà fini », mais, soulagée,
« c’est enfin fini ».
Une autre raison qui
donne à penser que le temps ne passe pas, est que, s’il
passait réellement, avant d’être ici : dans le
présent, il devrait être ailleurs. De même, après
avoir quitté le présent, il devrait également
être ailleurs. Mais où est cet ailleurs ? Où sont
donc les réserves du temps qui s’écoulent et sous
quelle forme s’y trouvent-elles stockées ? Mais aussi, où
le temps s’accumule-t-il après son passage ? Qu’advient-il
de lui ?
Il faut bien l’avouer,
voilà des questions qui jusqu'à aujourd’hui sont
restées sans réponse. Il en résulte une notion
du temps boiteuse dans laquelle le temps qui passe, ne passe en
définitive pas vraiment, puisqu’il ne vient de nulle part et
ne va nulle part.
Une conséquence
de l’existence d’un ailleurs dans lequel se trouverait le temps
avant et après son passage dans le présent, serait la
possibilité de voyager dans le temps. Ces déplacements
dans le temps nous permettraient de déceler ce que le futur
tient en réserve pour nous et ce qui a réellement eu
lieu dans le passé.
La possibilité
de voyager dans le temps, soit en remontant le temps en direction du
passé, soit en avançant en lui en direction du futur,
est un rêve que plus d’un homme a caressé. Cette idée
a été développée de manière
romancée par l’auteur anglais H.G. Wells, dans un livre
intitulé « La machine à explorer le temps ».
Le héros du livre, un savant des plus excentriques, met au
point une machine à explorer le temps - d’où le titre
du livre - avec laquelle il vivra des aventures merveilleuses, mais
d’autres également effrayantes et dangereuses, dont il
pourra heureusement s’échapper à l’aide de sa
machine.
Le héros de ce
roman est ainsi la seule personne qui ait réussi à
s’extraire d’un présent inconfortable ou menaçant,
pour se rendre dans le passé ou le futur afin d’y attendre
tranquillement que la situation s’améliore. Nous sommes en
effet irrémédiablement contraints de demeurer dans le
présent, que celui-ci nous plaise ou non, et jamais aucun
homme n’a pu s’en extraire pour fuir ailleurs dans le temps. Les
hypothétiques déplacements dans le temps - s’ils sont
pris comme base de raisonnements - nous amènent à des
contradictions qui nous contraignent à nouveau à
considérer que le temps ne passe pas. Imaginons quelqu’un
debout dans son jardin et qui contemple un arbre planté par
ses propres soins 20 ans plus tôt. Imaginons encore que cette
personne veuille - et puisse - se déplacer dans le temps et
qu’elle décide de remonter le temps pour se retrouver 20 ans
en arrière dans ce même jardin. Une fois cette époque
atteinte, elle se trouvera en face de son arbuste jeune et peu
développé.
Si une telle chose
était possible, nous serions dans une situation totalement
absurde, puisque nous serions en présence non pas d’un, mais
de deux exemplaires du même arbre. En effet, le premier serait
celui qui est actuellement dans son jardin et que peuvent voir toutes
les personnes qui s’y rendraient, le deuxième étant
celui que voit le voyageur qui est dans les temps passés. Le
temps passerait donc en emportant la réalité spatiale
(l’arbre visible pour le voyageur dans le temps), mais en la
laissant tout de même sur place, puisque l’arbre est encore
visible aujourd’hui !
La possibilité de voyager dans le futur, nous amènerait encore à une autre situation contradictoire qui nous pousserait à nouveau à rejeter la notion du temps qui passe. Effectivement, lors d’un tel voyage, nous serions confrontés à tous les événements que charrient les flots sans cesse changeants du temps. Nous pourrions voir les événements à venir, avant que ceux-ci n’atteignent le présent. Nous parcourrions à l’avance les chemins de notre destin qui, amenés par le temps qui passe, deviendrait réalité en pénétrant dans le présent.