SOIGNER AVEC DES CONTES (2)
(...)
Voici
le conte écrit pour cette jeune fille :
Gaïa,
la petite Libellule qui s’ignorait elle-même
Il était une fois une petite libellule qui s’appelait Gaïa. Elle était d’une jolie couleur bleue et ses ailes étaient magnifiquement irisées. Elle vivait au bord d’un étang Gaïa avait un don particulier : elle faisait partie de cette catégorie de libellules que l’on appelle « les peintres du ciel ». Elle savait danser dans la lumière du soleil, faisant naître à travers le prisme de ses ailes, tel un peintre de lumière, de merveilleux arcs-en-ciel chatoyants. C’était comme une danse du don d’amour…Elle savait faire naître une grande joie dans le cœur de ceux qui la regardaient.
Le problème de Gaïa était qu’elle ignorait qu’elle avait ce don. Peut-être avait-on oublié de le lui dire ?....Et si d’aventure quelqu’un lui faisait un compliment sur ce qu’elle faisait, Gaïa avait beaucoup de mal à croire qu’il s’adressait à elle. Peut-être, dans son existence de libellule, n’avait-elle pas souvent reçu de compliments ? Gaïa portait dans son cœur une grande soif de partage d’amour. Elle rêvait de rencontrer un jour un garçon libellule avec lequel elle vivrait une grande histoire d’amour et de paix. Elle y aspirait profondément. Pourtant, au fond d’elle-même, elle doutait que cela puisse un jour lui arriver. Qui donc pourrait l’aimer elle qui était si imparfaite ?
Aussi
qu’elle ne fut pas sa stupéfaction quand, un jour, un garçon
libellule s’intéressa à elle. Il s’appelait Gao.
C’était une grande libellule grise. Toute à sa joie
d’être remarquée, Gaïa ne se méfia pas une
seconde de lui. Et pourtant, elle aurait dû… Gao faisait
partie de ces libellules qui, pour vivre, ont besoin de se délecter
des larmes de souffrance d’autrui. Il ne cherchait à établir
avec les autres qu’une relation de domination et lorsqu’il
rencontrait l’amour, il essayait de le détruire car,
pensait-il, l’amour rend faible…
En
aucun cas il n’aurait pu voler dans les airs et effectuer une danse
d’un don d’amour, car il en était incapable. Ses ailes,
qu’il tenait toujours repliées pour les dissimuler, étaient
ridiculement petites, comme atrophiées. Alors pour attirer les
autres libellules vers lui, il était passé maître
dans l’art de chanter, et sa voix, lorsqu’il la dirigeait vers
l’une d’entre elles, était comme un long chant hypnotique
et trompeur.
Gao
fit croire à Gaïa que son chant était un chant
d’amour dirigé vers elle, mais en fait, ce n’était
qu’une litanie d’asservissement. Les sons qu’il émettait
vers Gaïa étaient comme de longs fils d’araignée
invisibles qui l’engluaient peu à peu, sans qu’elle puisse
s’en rende compte. Ce chant laissait entendre que le cœur de Gao
était plein d’amour pour elle, alors qu’en réalité
il n’était qu’une coque vide incapable d’aimer.
Peu à peu se développa une étrange relation entre Gao et Gaïa. Gao apprit à Gaïa à se méfier de ses idées, de ses sentiments, de ses intuitions. Il lui expliqua qu’elles étaient fausses, que lui savait ce qui était bon pour elle. Et la petite Gaïa, qui avait déjà si peu de confiance en elle, ne douta pas un seul instant qu’il n’ait raison. Gao se moqua de ses danses dans la lumière du soleil, alors Gaïa se sentit honteuse et resta désormais sur le sol. Gao se moqua de ses ailes déployées, alors Gaïa les replia dans son dos pour les cacher
Le temps passa…Gaïa se rendait bien compte que sa relation avec Gao la faisait souffrir. Son cœur était plein d’attente d’un partage d’amour qui ne venait jamais. Parfois, elle était tentée de partir, mais aussitôt Gao émettait un nouveau chant de faux amour et Gaïa se retrouvait plus engluée que jamais. A force de ramper aux côtés de Gao, Gaïa devint peu à peu grise de poussière et elle perdit ses couleurs. La souffrance était son lot quotidien, mais elle espérait toujours qu’un jour, Gao l’aimerait, quand elle aurait corrigé toutes ses imperfections…Ah ! Comme il était puissant le chant de Gao ! Il faussait toutes les perceptions de Gaïa, s’infiltrant dans son besoin d’amour si fort, et s’appuyant sur son manque de confiance en elle. Cela dura longtemps….
(...)