SOIGNER AVEC DES CONTES (3)
(...)
Un jour cependant, il se passa quelque chose qui remplit le cœur de Gaïa de bonheur et de crainte à la fois : de son union avec Gao fut conçu un œuf minuscule, fragile, promesse d’un enfant libellule merveilleux. Le cœur de Gaïa fut immédiatement rempli pour lui d’un amour immense, et, pleine d’espoir elle annonça la nouvelle à Gao. Et là ce fut terrible, vraiment terrible. Car immédiatement Gao sembla ressentir pour cet être en devenir une haine intense, comme s’il représentait pour lui un grand danger. Il émit alors un chant d’une grande puissance vers Gaïa. Un chant qui disant qu’il ne voulait pas de cet enfant libellule et qu’elle devait s’en débarrasser. Et il jeta sur l’enfant en devenir une Malédiction de Souffrance Eternelle et s’en alla, laissant Gaïa désespérée et seule…Elle était atterrée. Elle ressentit une grande culpabilité envers son enfant œuf de lui avoir choisi un tel père et n’eut plus qu’une seule idée : le sauver de la Malédiction jetée sur lui alors qu’il n’était même pas encore éclos… Elle choisit alors de faire quelque chose de terrible, un acte inconcevable pour une libellule bleue capable du don d’amour : elle décida de faire détruire l’œuf…
Pour
elle, cet acte de destruction était un acte désespéré
d’amour protecteur. Elle ne voulait pas que son enfant vive la vie
de souffrance qui lui avait été promise… Dans une
solitude affreuse, elle appela les crapauds nettoyeurs. Ceux ci, la
regardant de leur œil froid, détruisirent l’œuf et
l’emportèrent. Alors Gaïa qui dès sa conception
avait ressenti un amour immense pour cet œuf, sentit son cœur se
briser. Elle pleura des larmes de douleur qui s’écrasèrent
sur le sol, devant elle, et peu à peu formèrent une
petite flaque à ses pieds. Se penchant vers cette eau, Gaïa
vit son reflet. Elle vit pour la première fois combien elle
était devenue grise et sale, combien ses ailes semblaient
atrophiées, et surtout elle vit les liens tissés par
Gao qui, tels des fils d’araignée, l’engluaient.
Il se passa alors quelque chose de magique : son reflet se mit à lui parler :
« Gaïa, ce que tu vois là n’est pas ton vrai reflet.
Regarde
toi telle que tu es vraiment ! »
Et dans la petite flaque de larmes, l’image de la libellule grise qui se traînait par terre s’effaça et fit place à l’être véritable de Gaïa : une merveilleuse petite libellule bleue aux ailes resplendissantes qui dansait dans le soleil la danse du don d’amour…La voix du reflet résonna alors doucement dans sa tête :
« Voilà celle que tu es, Gaïa, reconnais-toi et ne l’oublie plus jamais.
Vis désormais dans le respect de celle que tu es vraiment. »
Gaïa
se regarda longuement, puis elle se lava dans la petite flaque, se
débarrassant de la poussière grise qui la recouvrait.
Ensuite, elle redéploya ses ailes irisées, les fit
battre doucement, et la brise qu’elles soulevèrent assécha
la petite flaque de larmes. De ces larmes là, Gao ne pourrait
pas se repaître. Gaïa décida alors que plus jamais
cela n’arriverait. Puis elle pris une pierre coupante et d’un
coup sec trancha les fils gluants qui la reliaient à Gao.
Aussitôt,
elle ressentit un grand manque douloureux, comme si elle s’amputait
d’une partie d’elle même. Elle avait vécu avec ces
liens depuis si longtemps…Mais en accomplissant cet acte, elle
savait qu’elle se sauvait elle même…
A
la rupture des fils, Gao fut là, aussitôt. Il essaya de
lancer de nouveaux liens vers Gaïa avec son chant trompeur. Mais
elle n’y prêta plus attention, car dans son oreille résonnait
désormais une autre voix venue du plus profond d’elle-même
:
«
Vis désormais dans le respect de
celle que tu es vraiment. »
…L’histoire de Gaïa n’est pas terminée. Son éclosion à elle-même est une longue métamorphose qui se poursuit encore aujourd’hui. Et chaque jour qui passe la rapproche davantage de celle qu’elle est vraiment.
Dans
son cœur, il y a, à jamais, une place particulière et
pleine d’un amour incommensurable, pour ce premier œuf, qui, dans
l’épreuve vécue, lui permit de naître à
elle même…
…Si un jour, vous vous promenez près d’un étang, et que vous voyez danser une libellule bleue dans le soleil, vous saurez sans hésiter reconnaître Gaïa à la joie que sa danse d’amour fera naître dans votre cœur…
(...)