L’attrait d’une vie plus simple
(Par Marie Bérubé et Marc Vachon)
Depuis
plusieurs années , les changements dans la société,
qui ont eu les répercussions que l'on sait sur le monde du
travail et nos vies en général, ont amené
plusieurs d’entre nous à se redéfinir par rapport à
ce travail, à l’argent, à la famille, au temps (à
notre temps individuel) qui, inexorablement, se rétrécit
au fur et à mesure de son écoulement. La société
des loisirs n’a pas eu lieu, les promesses d’un confort matériel
en corrélation avec le nombre d’années passées
au travail non plus. Nombreux sont ceux qui font le deuil de leurs
illusions! Le stress, l’endettement individuel et collectif ainsi
que la course à l'excellence et à la performance ont
parfois eu raison de notre résistance physique et
psychologique.
Le manque de sens relié à notre activité frénétique en a amené plusieurs à se poser des questions importantes, à initier des changements dont parfois ils n’avaient pas le choix, à choisir des avenues allant davantage dans le sens de leurs valeurs. Ce qui a pu un moment ressembler à un choix isolé est devenu tranquillement beaucoup plus qu’une mode, mais bien une tendance profonde. Avoir une vie qu’on aime peut ne pas passer par l’argent, la consommation et la performance à tout crin.
UNE
PRISE DE CONSCIENCE
Prendre
conscience de ses insatisfactions peut venir d’un choix personnel,
mais aussi des circonstances extérieures qui nous ont forcés
ou du moins donné l’opportunité de changer nos
croyances et d’ajuster nos comportements à nos valeurs
profondes. Ce qui est en train de devenir un courant de fond a aussi
une cause profonde qui est également collective. De nouvelles
valeurs émergent. Nous voulons vivre autrement, mesurer le
succès à une aune autre que l’argent ou le travail.
Bon gré mal gré, de plus en plus d’individus
cherchent à simplifier leur vie et parfois, étonnamment,
avec bonheur!
Le
climat économique morose, les pertes massives d’emploi, la
surcharge de travail, le stress généré par les
mutations profondes au niveau de l’emploi, les dettes, la course
effrénée pour combiner adroitement le bureau, la
famille, les réunions diverses, les courses, les travaux
ménagers, les rendez-vous, en amènent plus d’un et
d’une à constater parfois le manque de sens de nos
existences. Les croyances dans l’amélioration de sa
condition financière ne se réalisent malheureusement
pas toujours et parfois ont fait long feu.
Cette prise de conscience que les années qui restent à vivre pourraient étrangement ressembler à celles qui sont derrière conduit souvent à souhaiter vivre différemment, et ce avec un sentiment d’urgence. En effet, il n’est pas rare que la performance extrême soit acquise au détriment de ce à quoi nous attachons consciemment le plus de prix: la santé, le couple, la famille, les amis.
QUELQUES
QUESTIONS INTÉRESSANTES
Pourquoi
l’argent et ce qu’il procure exercent-ils tant de fascination
dans nos vies? Il arrive en effet que l’on confonde la valeur d’une
personne à la profession qu’elle exerce et sa réussite
au salaire qu’elle gagne et inversement. Puis, il arrive aussi que
progressivement, avec le temps, une carrière commencée
dans la passion et l’enthousiasme ne devienne qu’un simple
gagne-pain. On réalise alors qu’il est très facile de
perdre sa vie à vouloir la gagner, comme dit la chanson. Et
surtout, que l’on choisit de moins en moins sa façon de
vivre.
Pourquoi
certains choisissent-ils de gagner moins d’argent? Pourquoi
sont-ils de plus en plus nombreux à se tourner vers la
simplicité, à réduire volontairement leur train
de vie, à consommer moins, à tourner le dos aux
semaines de 35 heures et plus de travail? La réflexion qui les
poussent à changer leurs valeurs ou à y retourner,
repose sur la conviction que la vie devrait laisser aux gens un peu
de temps pour la vivre à leur goût.
Ce
réveil peut être fort douloureux. Il faut faire le deuil
de certaines croyances, reconsidérer son rapport à
l’argent, au travail et identifier ses valeurs. De plus en plus de
gens redécouvrent les plaisirs de faire eux-mêmes plutôt
que de payer quelqu’un pour le faire, de prendre du temps avec les
enfants, le conjoint, la famille, de recevoir chez eux plutôt
qu’au restaurant, de s’entraider ou même de faire de la
maison leur lieu de travail ou tout simplement d’avoir du temps
pour eux-mêmes. Certains s’éloigneront des grands
centres pour gagner en simplicité, voire en frugalité
et ils s’en portent mieux. Ils contactent enfin une richesse
différente de l’argent: le temps. Ils réalisent que
la société de consommation est davantage une servitude
qu’une libération.
Par ailleurs, l'avancement des technologies de l'informatique et des télécommunications et la baisse constante des prix de ces technologies permettent maintenant de rester en contact et de travailler efficacement à distance. De plus en plus d'employeurs permettent le télétravail, seule façon parfois de garder à leur emploi du personnel talentueux qui, autrement, serait perdu pour eux.
CONNAIS-TOI TOI-MÊME
Avoir
une vie qu’on aime est sans doute une démarche difficile,
car elle est à contre-courant de tout ce que l’on a appris
et aussi de ce que plusieurs de nos relations croient. L’argent,
sans que l’on s’en rende compte, exerce un grand pouvoir sur
nous. Mais ce qu’il nous offre est un ersatz de sécurité.
Il ne nous protège pas des épreuves de la maladie, des
deuils. L’abri qu’il nous offre est précaire en réalité,
car il est courant d’observer que les gens très riches
peuvent avoir des soucis d’argent, que leurs inquiétudes
sont proportionnelles à leurs revenus et qu’ils ne se disent
pas plus heureux que les moins bien nantis.
Il
faut malgré tout être très sûr de soi et de
ses valeurs pour poser les gestes qui iront dans le sens de ces
dernières. Travailler moins, c’est nécessairement
gagner moins, consommer moins et dépenser moins. L’image
projetée ne pourra plus être la même. Il faudra
également tolérer le scepticisme des autres, et
résister à leurs pressions à la conformité.
Mieux situer l’argent dans son échelle de valeur laisse la
place pour investir ses énergies dans ce qui a un sens pour
nous .
Le
mouvement auquel nous assistons ou auquel nous participons est
peut-être encore marginal, mais il n’en est pas moins
croissant et profond, qu’il ait été initié par
la nécessité ou par un choix. Il semble que notre
société occidentale voit son niveau de vie se
stabiliser et même décroître. Par ailleurs, le
nombre d’exclus économiques est de plus en plus grand, dans
toutes les sociétés.
Nous
sommes un peu forcés par les événements à
nous questionner et à réagir. Nous avons le choix:
augmenter les revenus, diminuer les dépenses ou nous endetter
toujours plus avec les conséquences reliées à
chacune de ces options. Des questions comme l’indépendance
financière, la richesse, la qualité de notre vie, de
nos relations amicales, amoureuses et familiales, notre santé
et celle de l’environnement, notre vie spirituelle y sont
intimement reliées. Des questions aussi sur la valorisation
retirée du travail, la contribution à la société,
le plaisir et le bonheur.
Avoir une vie qu’on aime passe par cette réflexion, ce questionnement, des décisions qui nous conviennent, des gestes et des risques allant dans le sens de nos décisions. Le titre fort évocateur d’un article, paru ailleurs en 1991, résonne toujours à nos oreilles comme un leitmotiv, un slogan et une invitation au plaisir de profiter le plus possible de la vie: L’appel de la véranda...