JUVENAL AVAIT RAISON

(Jean-Pierre Camo)

C'est le grand retour du corps ! Aujourd'hui il faut être musclé(e) "en forme"; "bronzé (e)", "bien dans sa peau" "à l'écoute de son corps"...
Un tel engouement ne traduit-il pas un nouveau besoin, celui de réhabiliter notre corps, le grand oublié des innovations technologiques qui nous incitent à faire le moins d'effort possible ?

Je pense à la conduite assistée (qui ne muscle plus les bras), aux nombreuses télécommandes (qui évitent de se lever), aux messageries audiovisuelle (visiophone, Skype...) qui transmettent sons et images (inutile d'aller rendre visite à ses mais), à la domotique (qui lève ou abaisse automatiquement le store du salon)... Bien sûr, il ne s'agit pas de retourner à la bougie, nombre de machines nous épargnent des tâches pénibles ou nous font gagner du temps et c'est plutôt une bonne nouvelle. Mais il faut savoir se tenir à une distance raisonnable du "tout-confort" et se garder quelques tâches physiques (marcher, soulever, pousser, tirer, frotter...) tous ces petits gestes du quotidien qui ne nous ont jamais vraiment épuisés.

La France compte, paraît-il, 60% de sédentaires : il y a ceux qui "n'ont pas le temps" (ou plutôt qui "ne se donnent pas le temps") de bouger, ceux victimes (consentantes ?) d'addictions dévoreuses de temps (travail, jeux en ligne...), ceux, au prétexte de douleurs musculaires (sauf handicap bien sûr) qui mobilisent leurs muscles le moins possible (alors que, justement, cela leur ferait le plus grand bien). Et puis il y a les irréductibles pantouflards...Avouons-le, tout le monde a été, un jour ou l'autre, sédentaire.

Avant la révolution industrielle, nous vivions essentiellement dehors et sans confort, nous marchions beaucoup (même si ce n'était pas très loin) et tout demandait des efforts : tirer l'eau du puits, jardiner, garder des animaux, fabriquer et réparer les objets du quotidien.

Aujourd'hui, les métiers manuels sont de moins en moins durs (l'informatique s'est glissée dans le machinisme industriel et agricole) et les métiers "intellectuels" prennent de plus en plus d'importance. Au point que notre société valorise le mental au détriment du physique : plus besoin d'être "fort comme un Turc" pour trouver du travail. Par contre, savoir manier des concepts de plus en plus abstraits (finance, higt-tech) fait partie des profils en vogue.

D'où ce fameux besoin de sport, ou plutôt d'activité physique. Il existe plusieurs motivations : se défouler, bien sûr, préserver sa santé, se mesurer aux autres à travers la compétition, se lancer des défits personnels, rompre l'isolement par la pratique de sports collectifs, sculpter son corps pour plaire, se recentrer à travers une pratique douce telle que le yoga et enfin renouer avec la nature (la randonnée est le loisir numéro un des Français !)

Exercer ses muscles régulièrement permet de renforcer son pôle physique, sans laisser une place exclusive au mental et aux émotions. C'est s'accorder un peu de temps, s'entretenir, retrouver le bonheur d'habiter son corps, bref s'aimer dans toutes ses dimensions.

Le poète latin Juvénal ne préconisait-il pas - déjà - un esprit sain dans un corps sain mens sana in corpore sano ? L'assertion est toute banale, mais nous avons tendance à l'appliquer de moins en moins. Certes nourrir son corps sainement est un préalable à la santé, mais que faire de l'énergie fournie par les aliments si ce n'est la dépenser ?

Alors, bougez ! et en plus c'est bon pour le moral.

(Jean-Pierre Camo est le directeur de la publication "Biocontact)